Marie-Laure "Ouest-France" -L'Amour d'une Fille à son Père-

Hennebont j ai soif moi aussi mais pas d alcool de vie

Témoignage. A 36 ans, Marie-Laure livre un message de tolérance. Et donne aussi un bel exemple d’amour d’une fille à son père, ancien malade alcoolique, et aujourd’hui abstinent. Elle témoigne.

Que ressentiez-vous, toute petite ?

 

"Je suis née dans l’alcool. Mon père buvait déjà. Alors, pour moi, rien de plus normal, ça faisait partie de ma vie. Malgré tout, je ne sais trop pourquoi, je savais déjà, toute petite, que ce n’était pas bien. Je le percevais au travers des disputes, des coups partagés entre mes parents, des « beuveries » à la maison et ailleurs. Je ressentais l’impuissance de ma mère, l’éloignement des proches, les regards blessants… Mais, dans mes yeux de petite fille, c’était ma vie, c’était comme ça, c’était normal."

Et puis, vous avez grandi…

"Oui, et là, je comprenais de plus en plus le mal que l’alcool faisait à notre famille, le mal que ça me faisait. Et puis, sont venus les premiers sentiments de peur et d’angoisse. J’avais réalisé le danger et ai pris conscience qu’il fallait que je vienne en aide à mon père. Quand on a 8 ans, rien n’est impossible. Je m’étais donc auto-déclarée « garde-du-corps » de papa. Si je suis avec lui, me disais-je, il ne peut rien lui arriver. Et c’est ainsi qu’à la grande peur de ma mère, je suivais mon père partout. À 10 ans, j’aurais pu tenir un bar, je connaissais quasiment tous les alcools et leurs prix."

Comment avez-vous vécu l’adolescence ?

"Pour une ado, les sorties, c’était important. Moi, on m’a dit « tu as de la chance, tu peux sortir jusqu’à minuit ! » Mais ce n’était pas si cool, car si mes sorties duraient si tard, c’est tout simplement parce que mon père m’oubliait sur le parking où il devait me récupérer. Autre anecdote, j’avais passé une partie de la journée à l’attendre dans un bar où il avait descendu plusieurs chopines de rosé avec ses copains. Il était reparti en m’oubliant et c’est le patron du bar qui m’a raccompagnée. A 15 ans, ce fut l’horreur ! Je faisais bonne figure, mais j’étais déjà détruite. J’étais en marge des autres, plus mûre, presque déjà blasée de la vie. J’aurais pu mal tourner, dériver, me rebeller. Mais jamais je n’aurais tourné le dos à mon père. Il est l’homme de ma vie, le premier. Une telle fusion nous liait au point que, même à distance, je savais quand il était mal. Lors de sa première cure imposée pour pouvoir retrouver un emploi, j’ai pressenti à l’école qu’il allait arriver quelque chose. J’en ai parlé à ma mère et quelques heures plus tard, j’apprenais qu’il était licencié pour avoir bu sur le chantier. Puis, ce fut la rechute, l’abstinence et encore la rechute !"

Aujourd’hui, quel regard portez-vous ?

"Je n’en ai jamais voulu à mon père et malheur à qui pouvait en dire du mal. On ne touche pas à mon père ! Avec le temps, j’avais intégré que c’était une maladie. Papa n’y pouvait rien. Il se détruisait et détruisait tout autour de lui. J’ai toujours été là, en soutien, comme une béquille. Aujourd’hui, je suis mariée et maman. Ma fille de 6 ans regarde son papy comme je regardais mon père au même âge. De cette vie, j’ai retiré du positif. Je suis plus humaine, plus compréhensive et surtout, j’ai soif moi aussi, mais pas d’alcool, de vie et de rire, de moments que l’on construit ensemble.Papa, lui, est aujourd’hui abstinent et maman est toujours là et moi aussi. Une véritable équipe à laquelle sont venus se greffer mon mari et ma fille. Il est fort, mon papa. Il se bat chaque jour pour ne pas se faire rattraper par ses démons. À présent, nous avons repris nos places, c’est lui mon garde du corps. Il sera toujours le premier homme de ma vie."

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