Des Familles en Enfer (exposé de Marie-France COZIC)

      Des familles en enfer                                            

 Le nombre de personnes qui souffrent de la dépendance à l'alcool ne se limite pas aux seuls consommateurs : l'entourage et les familles sont aussi gravement touchés .

 L'alcoolisme est une maladie dont la souffrance est contagieuse au sein de l'entourage .

 Que l'on soit partenaire, enfant, parent, ami-e, collègue de travail ou même voisin-e d'une personne dépendante de l'alcool, chacune et chacun peut être, à des degrés différents, est concerné-e par ce problème .

 Les personnes qui vivent dans l'entourage très proche d'une personne dépendante de l'alcool sont particulièrement affectées par le problème . Leur vie quotidienne est souvent bouleversée aussi bien du point de vue pratique et matériel qu'affectif et relationnel .

La souffrance est parfois si importante que l'entourage en devient malade à son tour .  

 C'est une forme de co-dépendance puisque l'alcool remplit non seulement tous les verres ,mais aussi tous les vides affectifs, professionnels, relationnels etc...qu'il provoque et qu'il génère .Un climat de méfiance, d'insécurité et d'angoisse apparaît avec les problèmes d'alcool .

 Au tout début , on observe « une modification du comportement de la personne . On se demande qu'est-ce qui lui arrive ? C'est lattent . On comprend mal, on pense à une dépression et à un moment çà vous pète à la figure .L'alcoolisme s'installe progressivement à tel point qu'on ne le voit pas arriver . Lorsqu'on arrive à la conclusion que l'alcool est à la base du problème, il est déjà trop tard, la dépendance est installée »  .

 « Le malade dépendant est anxieux dès le matin pour trouver sa dose ».

 les conflits

De nombreuses disputes éclatent dans la sphère familiale à cause de l'alcool. Cà commence par des retards à l'heure des repas (ou pas de repas du tout) parce que peu à peu « le malade alcoolique passe plus de temps au café qu'à la maison » . Il a un désintérêt progressif pour sa famille .Il a aussi un sentiment de honte ou d'abandon de son entourage. Souvent, il réfute ou minimise sa maladie :  :

 « Non ,je n'ai rien bu hier soir . J'étais complètement crevé, en fait, j'ai bu de la bière mais pas d'alcool », mais les angoisses et les tensions qui apparaissent entraînent des conflits, de l'agressivité et de la violence .

« De toutes façon ,je n'ai dérangé personne quand je suis rentré »... comme si le problème était de déranger en rentrant tard et non pas en rentrant ivre .

 L'alcool rend méchant, la personne ne se rend même pas compte et l'entourage vit l'enfer . Il fait tomber les inhibitions et peut favoriser des « échanges musclés ». L'alcool libère à la fois les comportements agressifs et provocateurs . Cette agressivité peut être sous forme verbale ou physique et dirigée vers n'importe quel membre de la famille . Le conjoint est particulièrement exposé aux actes de violence du fait des reproches, mais tous les membres de la famille en souffrent, conjoint comme enfants .

 Cette violence tant physique que verbale est toujours grave car « il y a des mots qui font encore plus mal que des coups »...mais cela peut aller jusqu'au meurtre .

 D'après les statistiques, en France,  une femme meurt sous les coups de son  conjoint tous les 3 jours et l'alcool est responsable dans la majorité des cas  .

 Le lendemain, le malade alcoolique oublie totalement ce qui a fait, nie ou minimise les violences et les faits « . L'alcool fait tout oublier ».

 Le manque de communication :

 L'alcoolo-dépendant est incapable de comprendre les états mentaux des autres .              

 « L'alcool enlève les émotions et toute compassion »Une communication normale est donc impossible . Pourtant il se plaint régulièrement de ne pas être compris …Cent fois le malade a promis entre les matins difficiles et les soirées arrosées  de ne plus toucher à l'alcool ,cent fois il a recommencé et il voudrait qu'on lui fasse confiance ...

 La passivité :

 Il n'a plus de motivation . Il se laisse vivre , devient passif et dépendant face à l'entourage .

Il se néglige (hygiène, vêtements, aspect physique etc...) peu lui importe …

 Il ne participe plus au sorties ni aux activités familiales  . Il n'assure plus non plus les tâches quotidiennes nécessaires à la bonne marche du foyer, d'autres doivent le faire à sa place .

Il s'isole et avec lui toute la famille se trouve isolée :

« Avant nous étions invités ,maintenant nous sommes évités » . « On n'invite plus les amis ni les voisins parce qu'on ne sait pas comment çà peut tourner ».

«  je devais être témoin à un mariage ,à cause de ma ré-alcoolisation ,l'entourage m'a évincé »

« On nous met à l'écart ,on nous regarde bizarrement »

« l'alcool a détruit l'image que l'on avait de nous et nous a mis une étiquette négative dans le dos ».

 Les enfants ne sont plus invités chez les copains pour les anniversaires parce qu'ils ne peuvent pas les inviter à leur tour, de peur de trouver le parent alcoolisé . Ils ont honte .

 les proches sont tiraillés entre le fait de dénoncer cette violence à la police ou de se taire pour protéger « l'alcoolo-dépendant » . Laisser faire est pourtant la solution la moins adaptée pour espérer un changement de comportement et une prise de conscience .

 Co-alcoolisme:le conjoint et les enfants vivent un grand sentiment de culpabilité . Ils reprennent espoir lorsque la consommation diminue. Le désespoir revient lorsque celle-ci augmente . A cela s'ajoute la peur du mal que le malade peut se faire à lui-même ou aux autres en conduisant un véhicule par exemple . Tout le monde tremble .

 Aujourd'hui encore, les problèmes d'alcool dans la famille restent tabous  .

 L'autre parent rassure l'enfant qui pose des questions : 

« Non,non ton père n'était pas saoul hier soir, il était seulement fatigué parce qu'il est rentré tard et en plus, il a des soucis . Ce n'est pas grave, çà va passer ».

 L'enfant minimise à son tour et ne sait plus qui croire .

 Pour un enfant,vivre avec un parent alcoolique, c'est vivre dans un climat tendu, conflictuel imprévisible ou incohérent face à un parent qu'il aime et redoute simultanément .

 Quand au travail ,un collègue, croyant bien faire, remplit à sa place les tâches de l'alcoolique ou camoufle la mauvaise qualité de son travail, il contribue plus souvent à maintenir le malade dans son état qu'à l'aider car il n'est pas mis face à ses responsabilités .

Heureux encore s'il ne perd pas son emploi du fait de son alcoolisation au travail !

 « Il a fallu que j'aie des menaces de mon patron et de ma famille pour prendre la décision d'arrêter l'alcool ».

  Un problème de santé publique :

 la santé : L'alcool affecte la santé physique et mentale .

 Bien souvent le malade s'en sert comme anxiolytique 

« Quand j'avais des soucis ,je prenais un verre ou plus ,çà me calmait, du moins je le croyais, mais le lendemain le problème était toujours là ».

D'après les statistiques de l'Assurance Maladie :                                                                3

 L'alcool, c'est environ 50.000 morts par an en France .

 C'est : 35% des lits des hôpitaux en France

           25% des suicides

           40% des accidents mortels de la voie publique

 L'alcool entraîne des conséquences physiques et des problèmes de santé malheureusement  souvent irréversibles :

« l'alcool a détruit ma santé , j'ai maintenant un traitement à vie ».

 L'alcoolisme au féminin est plus discret, souvent exprimé comme une dépression ,mais le parcours est identique et les conséquences sur la santé sont ravageuses .

 Les ravages :

 C'est pourtant toujours le même scenario : « On commence par perdre son permis ,on perd son travail, le conjoint s'en va , la maison est vendue . On se retrouve sans rien , c'est la descente aux enfers et tout çà par ma faute ».

 Malheureusement, l'intervention de la famille et des amis ne suffit que dans une minorité des cas.. Parler d'alcool en famille n'est pas toujours évident .

Pour décrocher, il est indispensable de n'être plus dans le « déni »pour demander de l'aide auprès du médecin, d'une structure de soins et/ou d'une association.

 « Quand j'ai décidé d'aller en soins, çà été dur, mais c'était comme une libération »

  La décision de rompre avec l'alcool étant prise, alors commence le difficile parcours des soins: sevrage, médecin, hôpital, post-cure, persévérance dans l'abstinence grâce aux efforts de patient et du soutien des amis de l'association  .

 Renouer le dialogue n'est pas chose facile, l'idéal est de parler franchement de ses problèmes . C'est à ce moment là que l'association joue un rôle primordial. Elle permet de se faire aider au moment où on est le plus vulnérable . Le malade comme son entourage trouveront du réconfort et la confiance mutuelle reviendra petit à petit , mais pour cela il faut du temps  .

«  Pour certaines personnes, l'association « Espoir-Amitié » est leur seule famille et pour d'autres elle est leur 2ème famille »

 Il ne faut pas se bercer d'illusions . Certes, le chemin est long et difficile et semé de terribles embûches, comme les rechutes, mais il faut y croire, croire en soi, en son avenir pour reconquérir sa dignité, sa liberté et surtout la confiance de sa famille . Croire en ses possibilités, se donner l'envie, l'envie de changer . Il faut garder confiance, les abstinents ne sont pas des surhommes, simplement ils y sont arrivés.

« Ils ont réussi , je peux donc le faire aussi ! »

 le meilleur traitement est le dialogue avec les soignants, mais aussi avec ses proches . C'est le comportement de l'entourage qui offre la possibilité au malade de retrouver un sens à sa vie . Pour chacun ou chacune le parcours est différent et plus ou moins difficile, mais la vie sans alcool mérite d'être vécue .

 Ils ont  quitté l'enfer, mais le souvenir de cet enfer n'est jamais bien loin, Ils ont si peur d'y retourner qu'ils préfèrent aller de l'avant en oubliant le passé .

 Désormais il faut être confiant, mais prudent :

« la différence entre un abstinent et un homme ivre-mort »:un verre !* du livre:un verre de trop

Et s'accrocher à tout ce qui se présente d'assez fort pour nous aider. Surtout en cas de problèmes, ne pas rester seul, penser à l'association et aux amis qui eux aussi ont vécu les mêmes galères .